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CommunicationPublished on 6 November 2025

Renforcer l‘agroécologie pour cultiver la résilience

Au Mexique, et principalement dans la région du Chiapas, la violence exercée au quotidien par le crime organisé se poursuit. Ce climat d’insécurité pèse sur les habitant.es, qui cherchent à renforcer leur autonomie pour faire face à cette instabilité. Avec le soutien de l’association suisse DM (membre d’Unité) et en collaboration avec le Séminaire interculturel maya (SIM), des initiatives locales d’agroécologie familiale voient le jour, favorisant la souveraineté alimentaire et la résilience communautaire.

Atelier d’éducation sur l’élevage de poules, pour une alimentation riche des poulets

AFS Newsletter - Article by

Maévane Mas
DM
communication@dmr.ch | LinkedIn

La lutte entre cartels pour le contrôle territorial génère la terreur dans diverses municipalités du Chiapas, et provoque une baisse du tourisme, qui s’ajoute à l’augmentation importante des prix de la nourriture, de l'essence, du gaz et des médicaments, en raison d’une inflation qui ne faiblit pas. Dans la sphère sociale, ce climat d’insécurité attise aussi les conflits entre communautés. Enfin, les renvois de migrants et migrantes depuis les Etats-Unis se multiplient, déstabilisant le tissu social local. Dans ce contexte d’insécurité et d’incertitude constantes, les habitants et habitantes des communautés rurales et indigènes du Chiapas ont un besoin urgent de renforcer leur autonomie et leur résilience en termes de souveraineté alimentaire.

Vers une autonomisation des ressources

Le Séminaire interculturel maya (SIM) accompagne les communautés dans leur quête d’autonomie, en développant entre autres des projets dans le domaine de l'autonomie alimentaire, de l'agriculture durable et de l'économie solidaire, en dialogue avec la sagesse indigène ancestrale. Son action s’incarne particulièrement dans les réalités des femmes, des jeunes et des enfants mayas.

Dans cette dynamique, le SIM peut compter sur le soutien de DM, l'une des 13 organisations membres d'Unité. DM est une association suisse engagée pour l’agroécologie, l’éducation et le vivre ensemble. Conjointement, DM et le SIM déploient un projet d’envergure en agroécologie familiale dans treize communautés rurales situées entre les hauts plateaux de San Cristóbal de las Casas et les montagnes du nord. Ces treize communautés ont été choisies pour le développement de ce projet en raison des excellents résultats obtenus avec cinq d’entre elles durant la première phase pilote du projet (2022-2024), ainsi qu’en raison de la motivation et de l’engagement dont font preuve les familles dans les nouvelles.

Le projet vise à renforcer l’autonomie alimentaire des familles indigènes grâce à une nouvelle approche de la production alimentaire familiale. Il encourage des techniques agricoles adaptées aux réalités locales, une production destinée à la consommation directe, et un partage des savoirs pour multiplier les effets au sein des communautés.

Il s’agit en somme de développer une agroécologie familiale intégrée, fondée sur des productions diversifiées – légumes, fruits, volailles, etc.– pour garantir une alimentation saine et nutritive, riche en protéines, vitamines et minéraux. Tout en valorisant les pratiques respectueuses de la nature, le projet s’inscrit dans une dynamique de durabilité : il accompagne les communautés vers plus d’autonomie, en harmonie avec la nature et leur environnement.

Un programme en trois étapes

Pour concrétiser cette vision sur le terrain, le projet s’articule autour d’un programme structuré et progressif. Les activités sont organisées en trois phases : la promotion de valeurs environnementales par diverses actions de sensibilisation, la formation aux techniques agroécologiques ainsi que leur mise en pratique, et le partage d’expériences entre communautés. Le tout avec un encadrement et un accompagnement de qualité fourni par le SIM, qui assure des visites régulières ainsi que des évaluations participatives.

Ces actions s’inscrivent dans une démarche visant à rendre les systèmes alimentaires plus durables et les pratiques agricoles plus résilientes. Cela passe par un accompagnement des familles paysannes vers une amélioration pérenne de leur production et de leurs revenus, pour tendre vers la souveraineté alimentaire. Des formations, événements et réunions formelles permettent également d’aborder les effets du changement climatique dans leur contexte local. Enfin, pour favoriser la circulation des savoirs, des échanges sont organisés avec d’autres actrices et acteurs engagés en agroécologie, à l’échelle régionale, nationale et internationale.

Construire ensemble des solutions durables

Tout ce travail repose sur une approche profondément participative. Le SIM place la consultation et la co-construction au cœur de ses actions : chaque projet est pensé avec les responsables locaux, et la voix des groupes accompagnés est pleinement intégrée dans les processus d’autogestion et d’organisation collective. Les principes qui guident le projet s’ancrent dans le respect de la vie, avec une approche durable, sensible aux enjeux sociaux, et centrée sur la relation globale à la terre. Il s’agit de cultiver sans nuire, en utilisant des technologies simples et non nocives, en protégeant les sols et en gérant durablement les ressources en eau.

Un impact réel dans les communautés

Cette approche inclusive porte déjà ses fruits. Les premiers et premières participant.es du projet sont des familles aux profils variés, comprenant des femmes, des hommes, des veuves, des jeunes, et des enfants, tous âgés de 5 à 75 ans. Ces familles appartiennent à différentes confessions et tendances politiques, mais partagent un engagement commun pour l’exercice de leurs droits en tant que peuple originaire.

Les activités sont organisées en groupes d’une quinzaine de personnes dans chacune des treize communautés participantes. Au terme de la phase de quatre ans, 80 personnes auront reçu une formation pratique en agroécologie, auront bénéficié d’un accompagnement personnalisé dans la mise en pratique de ces outils et auront développé des agrosystèmes intégrés dans leurs communautés. Autour d’elles, ce sont près de 400 personnes – proches, voisin.es, groupes sociaux – qui profitent indirectement des connaissances et pratiques partagées au sein des communautés.

Une mobilisation collective des ressources

L’engagement repose sur une solide collaboration entre le SIM et DM, construite dans la durée et permettant à chacun d’atteindre ses objectifs. L’association DM met à disposition ses compétences et son accompagnement, notamment à travers l’implication de sa responsable de partenariats pour soutenir l’équipe locale du SIM, avec une contribution ponctuelle de la responsable du secteur agroécologie.

Un appui humain se matérialise également par l’appui de personnes-ressources, venues renforcer les capacités du partenaire local. En 2024, le civiliste Otis Brown a contribué au développement du site internet du SIM en tant qu’assistant en communication et administration.

De son côté, le SIM investit également ses ressources propres dans la mise en œuvre du projet, notamment avec la mobilisation d’infrastructures. Les participantes et participants au projet contribuent au financement des activités en nature, par l’apport de terrains mis à disposition pour les jardins, de semences locales récoltées et mises à disposition, et aussi pour la préparation des repas lors des ateliers.

Semer aujourd’hui pour demain

Dans un contexte de crise profonde, le projet d’agroécologie familiale du SIM soutenu par DM fait émerger des réponses concrètes et durables. En valorisant les savoirs locaux, en renforçant les liens communautaires et en soutenant la souveraineté alimentaire, il donne aux familles indigènes les moyens de cultiver leur résilience face à l’insécurité et à la précarité. Semer aujourd’hui, c’est poser les bases d’une autonomie renforcée pour demain, en matière de production, de revenus, mais aussi de cohésion sociale. C’est aussi croire que, même dans les zones les plus fragilisées, une transformation en profondeur reste possible lorsque l’engagement collectif est au rendez-vous.