Producteurs de pomme de terre : résilience face à l’insécurité
L’Entraide Protestante Suisse (HEKS/EPER) appuie l’ONG VIFEDE dans le développement de la filière pomme de terre dans le territoire de Masisi, en République Démocratique du Congo. Les producteurs font face à une pénurie de semences de pomme de terre de qualité. Pour surmonter ces défis, VIFEDE, avec le soutien de HEKS/EPER, a introduit une production locale de semences saines à partir de vitro-plants cultivés en serre (greenhouse). Cette initiative a permis d’accroître la production de pommes de terre et d’améliorer les revenus des producteurs.
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L’Entraide Protestante Suisse (HEKS/EPER Suisse) accompagne les communautés locales en RDC dans l’agriculture durable depuis plusieurs années. L’environnement conjoncturel dégradé a déstructuré le système de production agricole qui commençait à se développer dans les années 1970 et 1980. Depuis les années 1990 jusqu’ à ce jour, l’explosion de la violence (diverses guerres et insécurités liées au foncier, pouvoir et identité) a mis à genou le reste du mécanisme qui existait encore.
HEKS/EPER accompagne les communautés à remettre sur pieds le système agricole notamment par le développement de diverses chaines des valeurs agricoles en vue de préserver le droit à la vie mais aussi d’aider les communautés locales à accéder à une économie familiale décente. C’est dans ce cadre que HEKS/EPER appui l’ONG locale VIFEDE dans l’accompagnement des communautés locales de Masisi au développement des chaines des valeurs agricoles liées à la filière pomme de Terre. Les communautés accompagnées sont organisées au sein des coopératives agricoles parmi lesquels la COAPAKA (Coopérative Agricole Paysanne de Karuba). HEKS/EPER prend en compte le contexte sécuritaire aussi volatile dans l’accompagnement des communautés.
Au-delà de ce contexte d’insécurité, les communautés locales font face aux difficultés d’accès aux semences des pommes de terre de qualité et à l’insuffisance d’accompagnement des structures officielles d’encadrement technique de production et d’accès au marché. HEKS/EPER s’est fixé comme priorité de faciliter les communautés dans l’accès aux semences des pommes de terre de qualité, cela étant le premier maillon des chaines des valeurs liées à cette filière.
Ces lignes soulignent la manière dont les communautés progressent sur la filière Pomme de Terre dans cet environnement d’insécurité.
Difficultés d’accès aux semences de pomme de terre de qualité
Les producteurs de Masisi font face au manque des semences des pommes des terres de qualité celles existant étant déjà dégénérées et ne garantissant pas un bon rendement (Ceci faisant suite au manque d’encadrement techniques des structures techniques de l’Etat et la non-fonctionnalité de l’Institut National Etude et la Recherche Agronomique). La COAPAKA a signé un accord cadre avec une Université du Rwanda spécialisée dans la production en laboratoire des semences des pommes de terre. Ceci expose l’association à divers défis liés à l’importation des semences des pommes des terres. “ A la douane, nous sommes soumis à payer plusieurs taxes et nos marchandises arrivent à la destination après plusieurs tracasseries ” (Déclaration du Coordonnateur de COAPAKA). Le recours à l’importation est dû au manque des semences de qualité dans la région de Masisi, à l’incapacité de production des dites semences par l’INERA qui est normalement habilité à la production et vulgarisation des semences des cultures vivrières ainsi qu’aux défis fonciers. Le déplacement causé par les affrontements dans la zone a obligé les agris multiplicateurs de s’enfuir, se retrouvant du coup dans les camps des déplacés autours de Goma.
Initiative innovante pour des semences saines
Pour remédier à ces problèmes, l’organisation VIFEDE, à travers son projet “ Agriculture, Pilier de notre Économie ” financé par HEKS/EPER, a introduit une technique novatrice. Cette méthode consiste à produire des semences saines et certifiées à partir de vitro-plants produits dans le green house, garantissant des plants identiques à la plante mère et exempts de maladies. Dans le cadre de ce projet, une serre moderne a été construite dans le groupement de Karuba. Cette infrastructure vise à assurer une chaîne d’approvisionnement durable en semences de pomme de terre pour les producteurs du territoire de Masisi et de ses environs. Un partenariat a été établi entre la coopérative COAPAKA, accompagnée par la VIFEDE, et le laboratoire de l’Université Catholique de Ruhengeri au Rwanda (INES), spécialisé dans la culture de tissus in vitro, pour fournir régulièrement des vitro-plants de haute qualité.
La serre principale a été construite à Karuba. Suite aux affrontements les agri-multiplicateurs ont fuis vers les camps des déplacés autours de Goma, notamment à Bulengo. Pour faire face au risque de rupture d’approvisionnement des agriculteurs en semences, VIFEDE en concertation avec la coopérative COAPAKA, a dû installer une deuxième serre non loin du camp des déplacés à Bulengo.
Depuis que les serres ont été installées à Karuba et à Bulengo pendant la guerre, la population productrice des pommes des terres a eu des facilités d’accéder aux semences de qualité, rendant la production des pommes de terre abondante. Les membres des coopératives agricoles de cette filière et la population bénéficiaire a augmenté leurs revenues grâce à cette innovation.
Défis liés à l’insécurité
L’éclatement du conflit du M23 a perturbé ces efforts. Environ 40 % de la population de Masisi a été déplacée vers Goma depuis décembre 2023 à janvier 2025. Pendant la guerre, les mini-tubercules arrivés à maturité dans la serre de Karuba ont été volés par les paysans qui sont restés dans la zone, compromettant ainsi l’accès des agriculteurs aux semences de qualité. VIFEDE en collaboration avec HEKS/EPER a entrepris les démarches de les localiser, non pas pour les punir mais pour échanger avec eux pour qu’ils rejoignent le programme dans son intégralité.
Adaptation et résilience
Il faut donc considérer que la coopérative COAPAKA s’est adaptée au contexte de guerre de la manière suivante :
- Mettre en place une mini serre à Bulengo, près de Goma en plus de celle existante a Karuba: Cette initiative a permis de poursuivre la production et la distribution de mini-tubercules vers les producteurs, facilitant ainsi l’accès des petits producteurs de Masisi et des environs à des semences de qualité, malgré le contexte d’insécurité.
- Adopter une politique d’utilisation de produits phytosanitaires biologiques : Cette approche vise à lutter efficacement contre les maladies et les ravageurs des cultures tout en préservant l’environnement.
- Renforcer le suivi des activités : HEKS/EPER et son partenaire VIFEDE ont mis en place une équipe de suivi dans la zone du projet occupée par les rebelles et a développé un cadre de communication (téléphones, application whatsapp) avec les managers de VIFEDE qui s’étaient repliés sur Goma ainsi qu’avec les experts de la coopérative qui étaient dans le camp des déplacés à Bulengo. L’objectif était d’assurer la continuité des activités de la production des semences des pommes de terre au profit des producteurs de Masisi. Cela a créé un bénéfice indirect car la serre de Bulengo a été sollicitée par les agriculteurs du territoire de Nyiragongo au Nord Kivu et d’Idjui au sud Kivu.
La résilience et l’adaptabilité démontrées par la COAPAKA et ses partenaires illustrent l’importance de solutions innovantes et collaboratives pour soutenir les petits producteurs de pomme de terre face aux défis complexes posés par l’insécurité et les contraintes environnementales


